jeudi 25 novembre 2010

Tensions coréennes (25 novembre 2010)

Le USS George Washington quitte la base japonaise de Yokosuka, au sud de Tokyo, le 24 novembre 2010 : direction la Corée du Sud

La Corée du Sud a annoncé qu'elle allait renforcer sa présence militaire sur l'île de Yeonpyeong et qu'elle entendait profiter des manoeuvres navales prévues en mer Jaune avec les Etats-Unis à partir de dimanche pour envoyer un message clair à sa voisine. Les Etats-Unis ont, pour leur part, déployé en mer Jaune, au large de la péninsule coréenne, une flotte emmenée par le porte-avions nucléaire George-Washington pour des manœuvres navales conjointes avec la Corée du Sud. L'armée américaine souligne que ces manœuvres avaient été programmées avant les tirs d'artillerie nord-coréens. Ces exercices militaires conjoints sont vus d'un mauvais oeil par la Chine qui estime qu'ils sont de nature à menacer sa sécurité ainsi que la stabilité régionale.


Kim père et fils...

D'après les médias sud-coréens, les tirs d'artillerie qui ont fait quatre morts, dont deux civils, mardi dans l'île de Yongpyong ont probablement été effectués sur ordre personnel du dirigeant nord-coréen Kim Jong-il dans le but de renforcer la position de son fils et probable dauphin, Kim Jong-un, au sein de l'armée. Les deux dirigeants se sont rendus, quelques heures avant le bombardement de mardi, sur le site d'où ont été tirés des obus en direction de la Corée du Sud, écrit le Joongang Daily, citant une source gouvernementale. D'après un membre de la commission de la défense de l'Assemblée nationale sud-coréenne, cette information a été obtenue par les services de renseignement militaire, qui tentent de déterminer si cette rencontre a un lien avec le bombardement, écrit le Chosun Ilbo. L'agence officielle de presse nord-coréenne KCNA a fait état, lundi, d'un déplacement de Kim Jong-il dans la province de Hwanghae du Sud en compagnie de dignitaires de l'armée, y compris son fils.
"(La Corée du Nord) déclenchera une deuxième et même une troisième salve d'attaques sans la moindre hésitation en cas de nouvelle provocation militaire inconsidérée de la part des bellicistes de Corée du Sud", a prévenu l'armée nord-coréenne dans un communiqué repris par l'agence officielle de presse KCNA.

Le timing nord-coréen

Le moment choisi pour cette attaque semble particulièrement significatif. D'abord, parce qu'il se situe quelques jours après le G20 de Séoul qui, indépendamment de ses résultats insignifiants sur l'économie mondiale, marque un beau succès pour la Corée du sud, confirme les performances économiques de ce pays et son intégration très réussie dans le système international (rappelons que Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU est également sud-coréen). Frapper un grand coup est un moyen pour Pyongyang de rappeler à Séoul son existence à travers sa capacité de nuisance hautement effective.
Ensuite, l'agression est intervenue deux jours après la révélation par un universitaire américain, Siegfried Hecker, d'une usine "incroyablement moderne" de centrifugeuses destinées à produire de l'uranium enrichi en Corée du Nord. Annonce qui coïncide avec la visite de l'envoyé spécial américain pour la Corée du nord, Stephen Bosworth, à Pékin qui assume pleinement son statut d'allié indéfectible de Pyongyang. En se dotant de l'arme nucléaire, les apparatchiks espèrent devenir indétrônables en inspirant une frayeur planétaire. Tel est l'avantage du "pouvoir égalisateur de l'atome". L'arme atomique peut également représenter une posture de prestige destiné à raviver le soutien d'une population affamée et misérable.

Le choc voulu à Yeonpyeong vise à provoquer par la force une reprise des discussions sur le nucléaire nord-coréen, alors même que Pyongyang a claqué la porte des négociations l'an dernier, en 2009, pour gagner du temps et poursuivre son programme de centrifugeuses. Ici surgit une divergence fondamentale au sein du groupe des 6 (Corée du Nord, Corée du Sud, Chine, Russie, Japon, Etats-Unis): la Chine et la Corée du Nord veulent reprendre les négociations tout de suite, sans préalable, alors que Washington et Séoul exigent au préalable des signes de bonne volonté tangibles et un arrêt total des programmes à risque militaire. Pour preuve du caractère intentionnel et tactique de l'agression nord-coréenne, Pékin a estimé que la reprise des pourparlers était "impérative", ce qui peut constituer un indice de manœuvre conjointe sino-nord-coréenne. Dans des systèmes totalitaires comme ceux de Pékin et de Pyongyang, la croyance dans les vieilles règles du bloc communiste est encore très forte; notamment la certitude qu'il faut arriver à la table des négociations en position de force, c'est à dire après avoir ouvertement montré sa puissance par une démonstration militaire.

Enfin, et surtout, ce fait de guerre s'est produit dans une phase très critique pour le régime nord-coréen qui, de toute évidence, est prêt à tout pour assurer sa sauvegarde. Il y a quelques semaines à peine, à la fin du mois de septembre, Kim Jong-il, que l'on dit sérieusement malade, présentait son digne héritier, Kim Jong-un,  et l'emmenait à Pékin en guise d'intronisation. Un tel acte peut re-légitimer l'emprise du successeur de Kim Il-sung et faciliter la prochaine prise de pouvoir du très laid Jong-un!

Réaction sud-coréenne

Lors d'une séance plénière jeudi 25 novembre, le parlement sud-coréen a adopté à une majorité écrasante une résolution condamnant la Corée du Nord sans toutefois appeler à des représailles. Par 261 voix pour, une contre et neuf abstentions, les parlementaires ont adopté cette motion qui condamne la Corée du Nord pour violation de la charte de l'ONU et des accords entre les deux pays. La résolution demande à Pyongyang de présenter des excuses et appelle le gouvernement sud-coréen à prendre des mesures fermes et rapides pour prévenir toute nouvelle provocation de la part du Nord.

La Corée du Sud a aussi exprimé l'intention d'engager un dialogue constructif avec la Chine pour qu'elle use de son influence auprès du régime nord-coréen. "Si la Chine ne fait pas publiquement pression sur la Corée du Nord, les provocations nord-coréennes vont se poursuivre", écrit le quotidien sud-coréen Chosun Ilbo. "Si la péninsule coréenne s'enflamme, c'est la prospérité chinoise qui en sera affectée". Ce projet de dialogue semble se heurter à un premier obstacle avec l'annonce du report de la visite du ministre chinois des Affaires étrangères, Yang Jiechi, qui était attendu cette semaine à Séoul. Aucune explication n'a été fournie à ce report. La Chine semble être dans une impasse diplomatique par sa posture du non-choix permanent dans les relations inter-coréennes... !!!

En parallèle, la Corée du Sud "a décidé de nettement augmenter les forces armées, dont les troupes terrestres, sur les cinq îles de la mer Jaune" au nord-ouest de la Corée du Sud, a déclaré Hong Sang-Pyo, un haut responsable de la présidence sud-coréenne.  

N.B. déjà affaibli par l'épisode du Cheonan, le ministre sud-coréen de la Défense, Kim Tae-young, a démissionné. Sa lettre de démission, qui traînait depuis le 1er mai 2010 sur le bureau du président Lee Myong-bak a été acceptée. 

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