Le sinawi (시나위) est une improvisation collective qui trouve ses racines dans la musique des chamanes coréens. Jusque là cantonné à un rôle rituel, à partir du XIXe siècle le sinawi est repris par des musiciens professionnels. Il est joué lors des fêtes et des célébrations pour le plaisir, certes, mais aussi parce qu’il symbolise un trait essentiel de la philosophie coréenne : la nécessité de l’harmonie entre les hommes. En effet, le sinawi exige des musiciens une écoute réciproque et une complicité qui est le fruit d’un long travail en commun.
Démonstration ce vendredi 23 mars 2012 à Maison des cultures du monde (boulevard Raspail).
Le Sinawi est intimement lié aux rites chamaniques, qu'il accompagne avec tout ce que cela suppose de rythmes entêtants et chants aux sonorités gutturales et mystérieuses. Le tout avec une grande liberté d'interprétation qui rend chaque représentation unique. "Avant chaque concert, explique Kim Young-gil, maître de la cithare ajaeung, nous répétons quelques parties qui restent fixées. Mais au final, il y a environ 60% d'improvisation". Une habitude fondée sur l'absence de rythmes propres à cette pratique musicale. " Cette musique fonctionne sur la base de cycles relativement longs, précise Kim Hae-sok, spécialiste de la cithare gayageum.
L'ensemble se révèle fascinant, tant ses praticiens semblent habités par ses sonorités. Yoon Ho-se, au tambour sablier janggu, avoue même jouer "dans un état d'oubli total" qu'il assimile à un "état de purification". "Peut-être n'ai-je pas grande confiance dans ce monde-ci et que je m'évade facilement vers un autre monde ?". Un univers de divinités anciennes, qui rappellent que le chamanisme reste la religion première de la péninsule coréenne, avec sa conception de la mort associée à la renaissance, au repos et qui, finalement, paraît plus supportable, en tous les cas moins triste.
Le chamanisme est toujours pratiqué, notamment sur l'île méridionale de Jeju, qui abrite de nombreux sanctuaires, ou sur l'île de Jindo, d'où est originaire Kim Young-gil. Même si elle lui reste intimement lié, le Sinawi s'en est quelque peu émancipé pour devenir une pratique artistique à part entière. Originaire de Séoul, la chanteuse Yu Mi-ri n'a jamais participé à des rites chamaniques mais reconnaît que, quand elle chante, elle ressent "la nature résonner en moi, chanter à travers mon corps". Habités par leur musique, les praticiens du Sinawi jouent en groupe ou seuls.
Musique traditionnelle, cette re-création perpétuelle témoigne aussi d’une étonnante contemporanéité, avec ses sonorités tantôt soyeuses tantôt percussives et ses ornementations empreintes de mélancolie.
Kim Hae-sook à la cithare gayageum, Kim Young-il à l'archet ajaeng, Yoon ho-se aux percussions, Kim Chunh-hwan à la flûte traversière daegeum et Yu Mi-ri au chant
Rares sont aujourd’hui les musiciens qui maîtrisent les codes ancestraux du sinawi et sont en même temps capables de laisser libre cours à leur créativité. Kim Hae-sook , à la cithare gayageum et Kim Young-il, jeune maître de la cithare ajaeng, sont de cette trempe. Accompagnés de Yoon ho-se au tambour janggu, de Kim Chunh-hwan à la flûte daegeum et de la chanteuse Yu Mi-ri, ils nous proposent un voyage à travers les différents styles de sinawi des régions de Jindo et de Namdo.
Le programme de la Maison des Cultures a été précédé de deux jagpa. Ces chants d’origine populaire, à l’exécution difficile, sont réservés aux artistes les plus virtuoses. Accompagnée d’un petit ensemble instrumental, Yu Mi-ri, l’une des meilleures chanteuses de sa génération, a interprété deux jagpa de la région de Namdo.
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