mardi 30 novembre 2010

Films coréens : Printemps, Eté, Automne, Hiver… et Printemps


C’est l’occasion de découvrir ou redécouvrir un film qui a pour seul et unique décor un temple bouddhique coréen. Il s’agit de « Printemps, Eté, Automne, Hiver… et Printemps » de Kim Ki-duk, sorti en France en 2004.

L'histoire

Le film est construit à la manière d’une pièce de théâtre dont chaque acte est une saison. Notre premier acte s’ouvre sur des portes peintes qui elles-mêmes s’ouvrent à leur tour sur un lac entouré de montagnes et au milieu duquel flotte un petit temple. Ses locataires, un moine adulte et un moinillon.



 Acte I : c’est le printemps. Le petit moine, intrépide, porte sur le monde un regard neuf, plein de curiosité. C’est l’âge des découvertes, des premières bêtises et des premières leçons sur la vie que l’on doit respecter, même celles des plus petites bestioles telles que poisson, grenouille ou aspic.

Acte II : c’est l’été. La montagne grésille du chant des grillons. Un vert profond a remplacé le vert pimpant des bourgeons du printemps. Le petit moine n’est plus si petit puisqu’il a maintenant 17 ans. Il connaît bien sa montagne et tous ses habitants, mais il a soif d’autre chose. Perché sur l’épaule d’un grand bouddha de pierre, son regard porte désormais plus loin, et s’arrête soudain sur une jeune fille. Accompagnée par sa mère, elle vient trouver un remède au mal qui la ronge dans la prière, la méditation et les plantes dont le maître du temple connaît les secrets. Ni la fraîcheur du lac, ni la mousson ne semble capable d’apaiser la passion qui étreint le cœur de l’adolescent.
C’est l’âge de l’amour, et des premières enfreintes conscientes aux règles que jusqu’à présent, il avait respecté sans les questionner. La découverte de cet amour réciproque a eu des effets plus que bénéfiques sur la santé de la jeune fille qui, guérie, n’a plus de raison de rester. Incapable de surmonter cette douloureuse séparation, notre jeune moine quitte son maître pour la rejoindre.

Acte III : c'est l'automne. Les portes s’ouvrent sur une nature rougeoyante et rougissante. Le maître se fait vieux. Dix années se sont écoulées depuis le départ de son jeune disciple. Le cœur épris de l’adolescent s’est laissé ronger par une passion destructrice. A l’image des feuilles d’automne qui se fanent, l’amour s’est altéré. Notre moine amoureux est devenu un homme, un homme dangereux même car incapable de maîtriser sa colère, de dominer sa peur. Traqué, ses pas l’ont ramené auprès de son maître. Le suicide lui semble alors la seule façon d’apaiser sa rage. C’est là que le maître intervient car il n’est pas question de laisser son disciple payer de sa vie les crimes commis. Graver les sutras bouddhistes (en l’occurrence, le Pranjaparamita) un caractère après l’autre, tel est la clé pour apprendre à modérer sa colère, à vaincre sa passion. Après avoir travaillé jusqu’au petit matin, c’est presque le cœur en paix que notre moine se laisse emmener par les deux inspecteurs de police venus le chercher.

Acte IV : c’est l’hiver. Tout est blanc, figé, un peu comme le regard que l’on porte désormais sur le monde, autrefois si changeant. Notre moine a servi sa peine et rentre enfin pour de bon au temple de son enfance. C’est un peu le retour du fils prodigue, mais personne n’est là pour l’accueillir. Le maître, après avoir enseigné sa dernière leçon à son disciple, arrivé au terme de sa vie, s’était entre temps immolé dans les règles de sa foi. Le maître n’est plus, mais malgré tout, le disciple trouve encore à apprendre dans les pages d’un ancien manuel qui semblait l’attendre dans son tiroir. Incarné par Kim Ki-duk en personne, notre moine entreprend une excursion particulière, celle du chemin de repentir. On le suit dans son parcours expiatoire, on prend du recul et soudain, on s’aperçoit que le lac où se trouve le temple n’est qu’une petite mare au creux des montagnes environnantes.
Tel l’horizon qui s’élargit, la perspective évolue avec l’expérience qui confère une certaine sagesse, un recul que l’on ne peut avoir si l’on n’a pas auparavant parcouru la voie escarpée qui y mène. A l’image de la nature immaculée et immobile, notre moine semble trouver enfin une paix intérieure.

Et le dernier acte, le retour du printemps...

Tout au long de ces cinq saisons, notre cœur bat au rythme du mok-tak, un instrument du culte bouddhique en bois de forme arrondie que l’on tape avec un bout de bois pour ponctuer la récitation des sutras. La vie semble si éphémère, tels ces caractères chinois peints à l’eau sur une pierre brulante et qui s’évaporent instantanément au soleil, mais tout nous parait aussi éternel tel ce temple flottant, immuable, au fil des saisons de la vie et du monde qui semble graviter autour.


La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles:
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.

Un film aussi beau et profond que ce quatrain baudelairien. Vraiment sublime.

La bande-annonce en VOSTFR :


Fiche du film


Date de sortie : 2004
Réalisateur : Kim Ki-duk
Titre original : Bom yeoreum gaeul gyeoul geurigo bom
Avis : un des films fondateurs du succès du cinéma coréen
Note : 10/10

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