Pages

jeudi 14 avril 2011

Verba volant, scripta manent...

Un différend peu connu entre France et Corée



...mais pas toujours aux bons endroits!!!

La France a restitué à Séoul des manuscrits coréens saisis en 1866 par des militaires français et conservés depuis à la Bibliothèque Nationale de France (BNF), a indiqué jeudi 14 avril le ministère sud-coréen de la Culture.

Deux conteneurs transportant 75 volumes des "Uigue" (의궤), manuels illustrés sur le protocole royal, écrits durant la dynastie Joseon (1392-1910), sont arrivés jeudi à l'aéroport Incheon de Séoul. Les ouvrages seront conservés au Musée national sud-coréen. Juridiquement, ils sont prêtés pour une durée de 5 ans, renouvelable en permanence. Les 221 volumes restants seront acheminés à la fin du mois de mai, a ajouté le ministère de la Culture. Selon une source proche de l'Elysée ajoute, "les manuscrits reviendront régulièrement en France, notamment dans le cadre de saisons culturelles croisées, en 2015 et 2016, pour le 130e anniversaire de l'établissement de nos relations diplomatiques."

Le conflit autour des manuscrits coréens, qui a longtemps empoisonné les relations diplomatiques entre la France et la Corée du Sud a été résolu, en marge du sommet du G20, vendredi 12 novembre à Séoul puis lors d'un accord officiel en février 2011. La Corée réclamait en effet 297 livres manuscrits qui ont été pillés par la marine française, en 1866, et qui sont depuis conservés à la Bibliothèque nationale de France (BNF). Nicolas Sarkozy avait tenu à préciser que cette solution du prêt renouvelable "ne valait pas pour d'autres objets ou oeuvres d'art qui peuvent appartenir au patrimoine universel. Le prêt de cinq ans renouvelable tous les cinq ans permet de satisfaire nos amis coréens sans créer de précédent pour les autres pays."


Les présidents Sarkozy et Lee au cours du G20

Rappel des faits :

Les manuscrits de la discorde ont été enlevés, en 1866, à la suite d'une descente assez piteuse de la marine impériale française dans un monastère situé sur l'île de Ganghwa. Le raid était destiné à venger le massacre de neuf missionnaires français et de huit mille catholiques. Les deux tiers de ces documents sont des doubles. Les manuscrits tombèrent dans l'oubli à la Bibliothèque nationale avant d'être redécouverts, en 1991, par une chercheuse coréenne qui, de retour dans son pays, signala sa découverte.
M. Sarkozy voulait en effet "honorer la promesse faite par le président Mitterrand en 1993". Qu'entendait-il par ces paroles? M.Mitterrand, au cours de son second septennat, avait en effet promis de rendre ces archives en échange d'un contrat de construction d'un TGV sur le territoire coréen. Le TGV (baptisé KTX) a bel et bien vu le jour : il relie, entre autres, Séoul et Pusan, depuis 2004. Mais les manuscrits n'ont pas été rendus. Deux manuscrits ont bien été envoyés à Séoul, dans le cadre, selon la France, d'un "prêt". Les Coréens, ulcérés, ont gardé les documents. Depuis des années, les négociations étaient bloquées. La Corée demandait la restitution pure et simple des manuscrits. Mais selon la législation française, les objets et oeuvres figurant dans les collections de l'Etat sont "inaliénables".

Le choc des images

Ces manuscrits devinrent alors une cause nationale en Corée. Ainsi, le 7 mars 2007, Le Monde a publié une publicité reproduisant la couverture d'un livre manuscrit entouré d'une chaîne bouclée par un cadenas frappé d'un drapeau français. Au-dessous, un titre en rouge : "Incapable de trouver le sommeil en Corée." Le texte expliquait : "Tant que les archives Oe-Gyujanggak, pièce importante de notre patrimoine culturel, ne nous auront pas été restituées, nous, Coréens, ne trouverons pas le sommeil."

Signalons que cet accord n'a failli pas voir le jour. En effet, une pétition des conservateurs de la BNF a été créée pour s'opposer à la restitution des manuscrits. Bruno Racine, le président de la BNF, déclarait au Monde, en 2009 : "Si la Corée avait réclamé ses manuscrits il y a cinquante ans, la France n'aurait pas réagi. Aujourd'hui, nous discutons, non pour une restitution, mais pour des prêts croisés." Ce dernier ajoutait : "Commencer à restituer, c'est ouvrir la porte à une foule de revendications."

Pour les curieux, vous pouvez découvrir certains manuscrits numérisés par la BNF à cette adresse.

3 commentaires:

  1. C'est une affaire découverte lors de mon premier voyage en Korée et qui depuis m'intéresse beaucoup. Si vous avez des news provenant de Korée a ce sujet, je serais le premier à les lire.

    J'ai lu ailleurs que cette affaire a été révélée en Korée en 1975 et non en 1991. Il paraitrait même, selon cette article, que les archives étaient entreposée dans le "rayon" Chine (un peu comme dans une fnac de province...). Mais c'est une affaire qui soulève tant de tensions et de passions nationalistes qu'il faut prendre toutes ces informations avec du recul.

    RépondreSupprimer
  2. Exact, les documents étaient conservés au rayon "Chine" comme si les Coréens étaient apparentés à des "Chinois de Corée"

    Les manuscrits devraient s'envoler, sous peu, et pour cinq ans, dans le cadre d'une grande exposition. A priori au musée national d'histoire !!
    C'est la forme du prêt renouvelable ad infinitum qui prévaut

    RépondreSupprimer
  3. Sauf erreur la Corée était bien tributaire de la Chine en 1866. Le classement n'était donc pas si erroné...

    RépondreSupprimer